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TOMMASO MELANI

CEO Stefano Bemer

Tommaso Melani - CEO Stefano Bemer

Écrit par Aymeric Lorenté

 

Tommaso Melani, CEO de la marque de chaussures masculines Stefano Bemer, perpétue la tradition d’une exceptionnalité italienne qui englobe l’artisanat, la manufacture, l’élégance et le goût des belles choses. Rencontre avec un entrepreneur passionné.

 

Parlez-nous de la genèse de Stefano Bemer.

Stefano Bemer était un artisan florentin qui a lancé sa propre marque au début des années 80, avec le but de créer la chaussure italienne parfaite. Grâce à son engagement, à sa détermination, son nom représente désormais l’élégance et la qualité italiennes dans toutes leurs splendeurs. J’ai pris sa succession peu après sa mort, en 2012.

 

Quel est l’itinéraire pour devenir PDG d’une marque de souliers ?

Pour ma part, des études d’économie, un MBA, un début de carrière comme auditeur, et très vite, une grande lassitude des chiffres ! J’ai alors rejoint l’entreprise familiale qui fabrique des produits en cuir, où j’ai compris la relation entre l’artisan et le consommateur, et l’expression d’un désir, d’une idée du consommateur, rendue possible par la main de l’artisan.

En découvrant le produit de Stefano Bemer, je me suis rendu compte qu’il permettait ce même rapport, ce même développement d’une idée. Et les chaussures pour hommes m’inspiraient plus que les sacs à main. De là est né mon désir d’essayer une voie qui n’était pas celle de l’entreprise familiale, avec une stratégie ambitieuse.

Je lance aussi en parallèle, bientôt, une marque de vêtements de loisirs. Elle sera durable, circulaire, respectueuse de l’environnement et des communautés qui la produise. Je suis un grand opposant de la délocalisation, cet esclavagisme moderne dans des pays qui ne peuvent pas refuser des conditions économiques inacceptables. La surconsommation et la fast fashion font beaucoup de mal à la planète.

 

Quel est votre plus grande réussite ?

Le sur-mesure reste notre icône, c’est ce qui nous a rendu célèbres dès le début. Nous avons changé la manière de consommer, dans une catégorie de produits assez rigide : les souliers prêt-à-porter. Nous leurs avons apporté l’expérience et la qualité du sur-mesure, en créant un nouveau concept, celui de made-to-order, qui possède toutes les caractéristiques qualitatives du sur-mesure. Stylistiquement, nous avons innové un peu, en apportant un style florentin fait d’équilibre et de raffinement par rapport à ce qu’était la tradition du prêt-à-porter soulier.

 

La chaussure made-to-order, un produit d’avenir ?

Absolument. La qualité et l’artisanat ont un bel avenir devant eux : dans 20 ans, les baskets et les tongs n’auront pas pris le pouvoir. Nous avons des clients de la Silicon Valley qui ont un look à la Steve Jobs : New Balance et cols roulés noirs. Ils veulent maintenant exprimer leur propre élégance, entre la chaussure noire formelle, et la marque archi connue ostentatoire : on retourne à la sophistication, au bon goût. Cela vaut pour toutes les maisons avec une identité forte, reconnaissable, un produit de qualité, une authenticité. Le défi consiste à atteindre ces marchés de niche.

 

Modèle T6456, couleur Dark Brown, cuir Museum Calf, collection Tradizione
Modèle 7600, Triple Monkstrap, cuir Museum Calf, collection Classica RTW

Quels sont justement, aujourd’hui, ces principaux marchés de niche ?

La réponse évidente, c’est la Chine : sa courbe de croissance se développe aussi rapidement que sa connaissance des produits de luxe. Elle rejoindra bientôt les standards de la Corée et du Japon en la matière.

Je reste pour ma part fidèle au Vieux Continent et à l’Amérique : ces deux marchés connaissent parfaitement nos produits, ils apprécient l’artisanat, la qualité, les minuscules détails qui font la différence. C’est une vieille tradition en Europe, et les États-Unis ont, eux, enfin acquis une identité stylistique forte. Si je devais parier sur l’avenir, je n’omettrais donc pas la vieille garde.

 

Dites-nous quelles villes vous aimez…

New York, quand elle décide de donner le meilleur d’elle -même, c’est le nombril du monde, son cœur battant. La ville est vibrante, belle, intense. J’ai la chance d’y vivre une partie de l’année, mais aussi la chance de ne pas devoir y passer tout mon temps. Entre New York et Florence, c’est un équilibre qui fonctionne parfaitement. Florence, ce sont mes racines, les collines, la mer à proximité, le bon vin, l’histoire avec un grand H. Une ville tranquille, pour marcher, se balader en vélo, je la vis d’une manière différente.

Et enfin Hong Kong, une surprise incroyable, un conflit entre nature et urbanité, entre tradition et modernité, des grattes ciels immergés dans la verdure, au bord de la mer. Et le rapport de force entre la culture chinoise et l’influence britannique. Cette juxtaposition permanente me fascine à chaque fois.

 

Comment définiriez-vous votre style ?

Détendu. Mais pas trop non plus, ça équivaudrait à être négligent. Je ne suis jamais habillé formel, sauf lorsque les circonstances le demandent. Par exemple, j’aime les blazers, je ne sors jamais sans. Je ne porte presque jamais de cravate. Si je mets un costume, je le dédramatise en le portant avec un polo. Plus jeune, j’avais vu une photo qui m’avait beaucoup marqué de l’acteur David Niven, en costume bleu, avec un polo vert et des mocassins en daim marron foncé : un look parfait, que j’ai adopté vers mes 25 ans. C’était devenu mon uniforme. Qu’il m’arrive encore de porter, de temps à autre.

Combined Shape

Nous avons changé la manière de consommer, dans une catégorie de produits assez rigide : les souliers prêt-à-porter. » 

Avoir des icônes de style, c’est l’assurance de ne pas se tromper ?

Je n’ai pas vraiment d’icône en la matière. Mais j’ai une estime profonde pour les hommes que l’on ne peut pas qualifier de particulièrement gâtés par la nature : ceux qui ne sont pas Brad Pitt, mais qui expriment la beauté de manière différente, par la prestance. Je pense à quelqu’un comme l’acteur Stanley Tucci, qui n’est pas l’homme le plus beau du monde, mais qui a une présence incroyable et réussit à décliner son propre style et à le rendre unique.

Pas d’icône donc. Et puis vous pouvez aimer le style d’une personne, mais sur vous, ça ne fonctionne pas. J’ai trouvé encore une fois un équilibre qui fonctionne pour moi.

 

Le Made in Italy, c’est un label fondamental pour l’entrepreneur que vous êtes ?

Il y a l’authentique Made in Italy, c’est à dire un produit fabriqué en Italie du début à la fin, et puis le Made in Italy des grands groupes, qui fabriquent des produits à l’étranger, les ramènent en Italie où ils sont assemblés et achevés, obtenant ainsi l’appellation convoitée !

Le Made in Italy, c’est un processus créatif, pour lequel les Italiens sont imbattables, c’est une tradition d’artisanat toujours d’actualité. Il y a dans toute la péninsule des poches artisanales très fortes, qui ont une capacité d’exécution et d’innovation historiques, une créativité innée.

Le problème des Italiens ? C’est un peuple de petits entrepreneurs, pas d’industriels : il a fallu les Français pour faire de nos marques de grandes entreprises.

 

La pandémie est en train de rebattre les cartes. Comment voyez-vous le futur ?

Il y aura de nombreuses mutations, encore imprévisibles. Ce que j’anticipe, c’est une révolution profonde, essentielle, du monde du retail. Les ventes en ligne ont pris le dessus, des ventes où la relation entre la boutique et le client n’est plus nécessaire.

Parce que tout ou presque est disponible sur internet, je vois une grande opportunité de revenir à l’ancien concept de magasin spécialisé. Celui qui fait des recherches pour ses clients, qui les connaît, qui propose des articles uniques, rares, spécialisés. Enfant, à Florence, j’accompagnais mon grand-père faire son shopping : il avait ses magasins de prédilection, on le connaissait, on savait ce qu’il avait acheté, on lui proposait des vêtements ou des accessoires spécialement pour lui : “Ce chapeau ira parfaitement avec le manteau que vous avez acheté cet hiver”. Cette relation-là, c’est l’avenir de la vente. Je ne suis pas convaincu qu’un algorithme puisse être en mesure, demain, de comprendre complètement le style.

 

Donc vous êtes plutôt optimiste ?

Je le suis, oui. L’être humain est résilient.

 

Instagram : @stefanobemer

Florence, branchée cuir

L’industrie du cuir a toujours été au cœur de l’activité économique de la capitale toscane. Aujourd’hui royaume des bijoutiers, le Ponte Vecchio était à l’origine le quartier des tanneurs, avec les problèmes olfactifs qui en résultaient. Jusqu’à ce que Lorenzo de Médicis passe un édit régulant la zone d’activité des artisans du cuir, encore en vigueur à ce jour ! On ne tanne plus dans les rues de Florence, et le quartier du cuir s’est fixé depuis dans le quartier de Santa Croce.

Votre conseil de style et le faux-pas à éviter ?

Un conseil simple et à la portée de tous. Misez sur les manières ! Le savoir-vivre et l’étiquette comptent autant, si ce n’est davantage, chez un homme que sa tenue.

Un faux pas ? Lorsque j’entre dans un restaurant et que je vois un homme assis à table, coiffé d’un chapeau, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est justement de faire le deuil des bonnes manières !

Portraits

Nos invités

THIERRY WASSER

Maître-parfumeur

EMMA SAWKO

Businesswoman

FRED PINEL

MALLETIER

MORGAN COMPAGNON

Entrepreneur

JULIEN ALVAREZ

Chef Pâtissier

RAPHAËL LE BERRE & THOMAS VEVAUD

Architectes d'Intérieur

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